you should keep your distance, i'm only telling this because i care

2.4.2003 – Nouvelle petite bouille dans la famille, tu es le deuxième et le petit dernier de cette famille. Tu t’imagines une dizaine de visage émerveillés, penchés au-dessus de ton berceau exprimant ta mignonnerie sous une volupté de qualificatif. Ça c’est ce que tu t’imaginais. La réalité était plus dure à accepter. Tes parents viennent de divorcer, a quelques mois de l’accouchement de ta mère. Tu grandis avec deux parents et un frère mais jamais ensemble. Une semaine par ci, une semaine par là. Et ce depuis ton plus jeune âge. D’aucun diront qu’on s’habitue finalement.

3.9.2014 – Agé de 11 ans te voilà accueilli dans le collège public de ton quartier à Madrid. La plupart des élèves de primaire sont dans le privé, et oui c’est à partir de ce niveau que les parents commencent à envisager l’avenir de leurs marmailles. Mais surtout, toi, tu retrouves ton ainé de 3 ans. Il a déjà sa bande de pote et s’est plutôt bien intégré au collège. Alors tu te dis que ce n’est pas si mal, même si t’as pas tes parents au quotidien au moins t’as ton grand frère. Penses-tu. Quelques jours après la rentrée il est déscolarisé et ton petit monde s’écroule une nouvelle fois. Tu te retrouves seul à affronter le monde.

25.5.2018 – T’es en dernière année du collège, tu t’es fais une petite bande de pote et vous parlez déjà du lycée. Encore une fois tu te retrouves face à la réalité. Jusqu’à ton meilleur pote t’apprends qu’il va aller dans le privé à la rentrée et qu’il se doit de cartonne aux examens d’entrée. Tu te mets à rêver. Et si toi aussi t’avais le droit à la reconnaissance et à l’ambition. Tu te surprends à réviser, charbonner. Tout ça pourquoi ? Pour rien. Les résultats tombent, tout juste 10,04 de moyenne générale. Tu passes au niveau sup mais tu restes dans le public. Adios mi companeros.

5.10.2019 – Le lycée. Un échantillon de la vraie vie m’avait on dit. Certes. Tu te retrouves à comprendre la sociologie et l’effet de groupe. Tu comprends très vite que seul tu t’en sors pas. Alors tu gravites autour de certains groupes. Mais tu te rends compte aussi que le fossé entre le public et le privé est impressionnant. Sortie de cours, on te tombe dessus, t’entends le ricanement d’une partie des élèves en uniforme de l’autre côté de l’abri bus. Tu bouillonnes. T’en a marre qu’on te juge juste pour ça. Tu serres les poings. Tu te mors la lèvre. Ils continuent. Tu ne tiens plus. Et voilà qu’à cinq heures de l’après-midi tu te retrouves à te battre contre deux élèves de l’école privé. Pas manqué, on t’interpelle. Tu finis au poste. On te fait vite comprendre que tu t’en es pris aux mauvaises personnes. Une fois de plus, tu te retrouves seul à affronter le monde. Alors on te fou la pression, amende, casier judiciaire, note sur le dossier scolaire. Tu le revois, sourire en coin, lèvres en sang il lâche ces mots « t’es mort dans le game »

6.6.2021 – Dans tes bras une longue chevelure blonde, ta tête bloquée dans le creux de son épaule. Vous vous serrez, une dernière étreinte peut-être ? Tu te redresses, les yeux humides. Elle te rassure, te dis que tout va bien se passer. Que c’est pour moi, pour mon avenir et que ça passera vite. D’un revers de manche tu essuies ta joue humide avant de lui tourner le dos et rentrer dans le train. Direction le Portugal. A l’arrivée tu sais que tu vas tomber sur ton père et ton frère. Eux deux vivent à présent à Lisbonne. Ils ont fait leur vie. Tu faisais régulièrement le trajet pour les retrouver le temps des vacances. Et ce depuis tes 15 ans. Et suite à la plainte contre toi, ton père à fait pression pour récupérer la garde. Ce qui a fonctionné. Tu le détestais. Haïssais. Comment pouvait-il te séparer de ta mère ? Puis tu comprends très vite la raison de cette décision judiciaire. « Tu vas aller à l’institut privé Vasco de Gama fiston ! »

Rentrée 2022 – Tant de question depuis ton arrivée il y’a maintenant 1 an. Et te voilà à trouver les réponses en faisant la plonge dans un restaurant. Ouais t’iras bien dans le privé faire tes études. Mais tu vas devoir te démerder pour y aller. De son côté ton père avait réussi, encore un mystère pour toi à ce jour, à déposer un dossier de bourse scolaire. Tu sais très bien que dans ces procédures ils doivent se pencher sur tes antécédents scolaires. Tout aurait pu s’arrêter là. Mais une étoile au-dessus de ta tête vient un jour d’été t’apporter la fameuse lettre d’acceptation. Tu regardes ton père les yeux interrogateurs. Il te répond que tu as intérêt de bosser pour subvenir à tes besoins car à partir de maintenant la pension alimentaire elle sera pour ses paquets de clopes. Quant à ton frère, il te sourit. Semble naturellement heureux pour toi, mais tu sens derrière son visage une inquiétude. Sans trop savoir ce que cela signifiait... C’était exactement ton état d’esprit. Heureux d’avoir la possibilité d’avancer de grandir et d’apprendre pour améliorer ton futur mais aussi inquiet et soucieux de faire partie de cette clique d’enfant gâtée près à tout pour te voir échouer.